"Travailler plus pour gagner plus" (saison 2)

Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu donc rien venir ?
On pourrait reprendre à notre compte cette célèbre apostrophe extraite du conte "La Barbe bleue" de Charles Perrault pour évoquer la très chimérique et tout aussi hypothétique revalorisation des émoluments des enseignants.
Vous savez, ce marronnier médiatique qui nous laisse accroire que ça y est, on va enfin se pencher sur nos petites fiches de paie décidément bien trop légères, à entendre le bel unisson des experts, journalistes et autres responsables politique.
Pourtant, à bien y regarder de plus près, qu’ a fait le gouvernement et, à travers lui, Messieurs Blanquer et Macron depuis qu’ils président à la destinée de notre belle start-up nation ?
Ils se sont d’abord empressés de conserver le point d’indice en zone polaire. Ils ont aussi décalé les premières mesures de carrière attachées au PPCR qui, du point de vue salarial, constituaient nullement une révolution copernicienne.
Et par dessus tout ça, est arrivé, comme si cela ne suffisait pas déjà, la nécessité d’entreprendre l’énième et indispensable réforme du système de calcul des retraites.

[rouge]Une revalorisation liée à la hausse du temps de travail.[/rouge]
Une fois les grandes lignes du projet de réforme dessinées, M. J.P. Delevoye et notre président ont dû reconnaitre qu’avec ce nouveau régime, "certaines professions seraient lésées" et parmi elles, plus particulièrement les enseignants du premier degré.
Du coup, on a commencé à entendre que nous pourrions recevoir un coup de pouce financier substantiel de quelque 300 boules annuelles. Oui, ma bonne dame, 25 euros supplémentaires chaque mois. De quoi s’offrir un restaurant Flunch tous les mois.
Puis, est arrivé Rodez, ou plutôt, le débat voulu par le président pour nous aider à mieux comprendre les subtilités d’une réforme qu’on ne peut pas vraiment saisir sans un éclairage jupitérien.
Et là, ce fut la douche froide !
Le président, interpellé par une collègue qui lui demandait d’apporter quelques précisions sur la hauteur réelle des futures retraites, a écarté d’emblée toute idée de revalorisation.
Il a alors expliqué que pour satisfaire les quelques 800 000 enseignants, cela lui en coûterait plus de 10 milliards d’euros. En voilà une somme coquette !
Dégainons nos feutres et nos ardoises et commençons le calcul : 10 milliards divisés par 800 mille feignasses, ça fait 12,500 euros par tête de pipe. Le tout encore divisé par 12 mois et on trouve 1041,66 euros. D’où vient ce nombre ? A quoi correspond-il ? Mystère ?
Du coup, face à cet effort financier, M. Macron a laissé entendre que pour gagner plus il faudrait aussi travailler plus et qu’il faudrait encore repenser les périodes de vacances.
Le président veut, dit-il, rompre avec le pacte social implicite qui voudrait que les enseignants soient payés au lance pierre et connaissent un déroulement de carrière atone car ils bénéficieraient par ailleurs de nombreux congés, de la protection d’emploi et d’un calcul de retraite EXTRÊMEMENT favorable.

[rouge]Le grand chamboule-tout.[/rouge]
Adosser la réforme des retraites à une refondation de la carrière des enseignants.
Voilà donc la dernière idée émise le 3 octobre du côté de l’Aveyron.
Pour E. Macron, le passage au nouveau système de retraite ne peut aller qu’avec une transformation de notre carrière. Il lie donc le maintien du niveau de nos retraites (qu’il estime, à la louche, à 1200 prunes1) à une renégociation sur notre temps de travail et la durée des congés.
Pour lui, cela va se discuter sur un temps long (entre cinq et dix ans) au bout duquel après réforme de notre carrière, nous pourrions enfin bénéficier de cette hausse tant attendue de nos traitements et basculer ainsi en toute sérénité dans le nouveau système de retraite.
Mais bon sang, bien sûr ! By Jove ! (traduisez "Par Jupiter !) Comment n’y avions-nous pas songé plus tôt ?
Dans les salles des maîtres, nous continuerons donc encore longtemps à nous morfondre sur la déconsidération dont nous sommes l’objet (que ce soit de la part de notre hiérarchie, des parents ou encore certains médias) et sur nos pauvres salaires.
Mais bon, ne finit-on pas nous-mêmes par trouver ça normal puisque tout le monde le dit. C’est que ça doit être vrai. Nous appartenons à une caste d’hyper privilégiés gavés de vacances, prestant peu d’heures et bénéficiant impunément de la sécurité d’emploi.
Va donc falloir se retrousser les manches. S’activer enfin ! Se mettre en marche.
Et faire preuve de patience, de beaucoup de patience, cette belle vertu qui, selon un proverbe touareg, engendre.....la richesse.
Il nous faudra continuer à scruter l’horizon et demander encore longtemps à sœur Anne.
Dis, petite sœur, tu ne vois donc vraiment rien venir ?

Frédéric Bostyn

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